Pour une métabiologie dualiste

Publié le par Costag

 

 

 

PLAIDOYER  POUR  UNE  MÉTABIOLOGIE  DUALISTE

 

 

 

       Jacques Costagliola 

 

Biologie et métabiologie

La biologie décrit la phénoménologie du vivant, elle explore le comment des phénomènes vitaux.

La métabiologie, sousensemble de la métaphysique, cherche, en amont du vivant, à investiguer leur pourquoi.

La métaphysique cherche à savoir si tous les phénomènes physiques, y compris les vivants, ont pour origine le hasard des rencontres de particules et d'atomes ou bien s'ils ont été créés, programmés et guidés, par une transcendance.

La métabiologie cherche à trancher entre une évolution du vivant par variations aléatoires triées par la sélection naturelle, dite négative passive aposteriori et une évolution programmée et ou pilotée par la transcendance.

Deux options métaphysiques seulement : le hasard et la nécessité, postulat du matérialisme athée, et la finalité qui subodore la transcendance. Nier la transcendance ou faire appel à elle, c'est toute la métaphysique. Nous sommes d'accord avec le matérialiste pour ne pas faire appel à la transcendance pour décrire le vivant. Mais nous réclamons le droit de soupçonner la transcendance pour expliquer le vivant. Le temps n'est plus où l'on pouvait prétendre proclamer la mort de la transcendance en expliquant le vivant par les gènes et les molécules. L'athéisme n'est pas plus scientifique que le théisme. Les spiritualistes ne prétendent pas, encore, prouver la transcendance mais pensent qu'il y a plus de présomptions en faveur de son existence que de son inexistence. C’est une croyance.

La dichotomie n'est pas entre croyants et incroyants. Il n'y a que des croyants des deux bords, des croyants positifs et des croyants négatifs. On n'oserait quand même pas dire qu'il y a ceux qui croient et ceux qui savent. Les physiciens ont dû reconnaître qu’ils connaissaient 4% de l’univers. L'existence et l'inexistence de Dieu sont des croyances inverses dont leurs adeptes font des dogmes. La dichotomie est entre, d'une part, déiste et athée renvoyés dos à dos, et, d'autre part, agnostique. Seule cette dernière attitude est scientifique, elle postule qu'on ne peut trancher entre deux croyances inverses. La revendication d'un brevet de scientificité de l'athéisme est une imposture ; on a autant le droit scientifique à une métabiologie de la transcendance, qu'à une métabiologie du hasard et de la nécessité. Il n'y a pas de troisième voie. Le panthéisme n'est qu'une variante de la transcendance, qu'il mêle plus intimement à sa création. Le matérialisme athée est tenu de nier l'existence de l'esprit, du sens, épiphénomènes pour lui, évidence pour les autres. Il est courant de voir des prétendus athées recourir à une quasi divinisation de la matière, ce qui revient à tomber dans le panthéisme.

 

Métabiologie : hasard ou esprit

On a renoncé aux certitudes du scientisme : toute connaissance est hypothèse, nous n'avons pas accès au réel mais aux modèles que nous en faisons. Toute théorie est provisoire, le réel est voilé (Poincaré, d'Espagnat). Toute théorie, pour obtenir un brevet scientifique, doit être réfutable. Le néodarwinisme et la psychanalyse sont des exemples de théories irréfutables selon Popper, car intestables. Même s'il l'était, répétons qu'une théorie scientifique n'est plus un brevet de vérité intangible, et donc, réfutable ou irréfutable, le darwinisme ne cautionne pas le matérialisme. Avec le scientisme disparaît le réductionnisme dogmatique, mais non le réductionnisme méthodique qui a fait ses preuves heuristiques. Aucune théorie ne peut être confirmée, seulement étayée par le nombre de corrélations avec les faits et par l'échec répété des tentatives de réfutation ; mais la théorie la mieux acceptée est toujours à la merci de la découverte d'un fait contraire (Popper), aucune théorie même faisant appel à des données quantifiées  ne possède en elle-même les moyens de sa complétude et de son autoconsistance (Gödel), pour ce faire il faut avoir de l'extérieur une métathéorie, ce qui rejette l'explication à l'infini. Il n'y a pas d'appareil cognitif, humain ou non, capable de pronostiquer les résultats qui le concernent (Popper). 

Darwin, ex-rempart du monodthéisme

La revendication darwinienne de décerner un brevet de scientificité à l'athéisme est une imposture intellectuelle. L'horloger aveugle n'est pas un exposé scientifique mais un pamphlet métascientifique antidéiste. Dawkins refuse le débat avec les antidarwiniens, des  créationnistes biblistes obscurantistes. Darwin nous permet d'être des athées heureux (Dawkins) et encore Le darwinisme permet en partant de tout d'aboutir à tout. Et réciproquement dirait Coluche. Sa croyance mène à des excès terroristes : Quand un biologiste me parle évolution, je lui demande s'il croit en Dieu et s'il me répond oui, je lui tourne le dos (Dawkins). A quoi répond un cardiochirurgien sur A2 : La valve mitrale est une preuve de l'existence de Dieu. Je suppose qu'il a des arguments.

Pour l'Établissement le darwinisme est LA théorie de l'évolution, les autres théories se répartissant entre les récupérables - que le darwinisme tente d'absorber (par exemple Kimura) en jetant du lest, c'est le secret de sa longévité, - et les irrécupérables taxées de créationnisme ou de spiritualisme, par exemple Denton.

Le créationnisme initial n'est pas une théorie de l'évolution mais une théorie de l'origine de l'univers et de la vie. Une évolution mécaniste est compatible avec la création d'un univers biogène décrit par le principe anthropique, le créateur s'étant contenté de lancer une opération ensuite abandonnée à elle-même ou à des êtres intermédiaires.

Les théories d'une évolution pilotée, en permanence (Bergson, Torris, Denton) ou aux phases critiques (Wallace), sont des théories métabiologiques de l'évolution.

La défense becs et ongles du darwinisme par les matérialistes est symptomatique ; c'est la seule grande théorie biologique en faveur de l'immanence. Il y a des théories biologiques de l'évolution, Lamarck, Wintrebert, Piaget, Kimura, Chandebois, Lorenz, et des théories métabiologiques de l'évolution, Darwin, Bergson, Torris.

En fait les deux types de théories exposent les mêmes faits biologiques, mais chacun fait un tri tactique entre ceux qu'il retient et ceux qu'il se contente de passer sous silence ou de minorer ; c'est seulement sur les interprétations et les conclusions générales que diffèrent les textes darwiniens et antidarwiniens, les mêmes faits, la genèse de l'œil par exemple, entraînent des opinions opposées : l'œil est fait sur plan construit par la méthode des essais et erreurs, l'œil s'est construit seul sans but au hasard de mutations, dont chacune apportait un plus s'accumulant. Deux incantations.

Le darwinisme n'explique ni l'origine de la vie, ni l'origine des espèces, ni les goulots d'étranglement de l'évolution (passage du protocaryote bactérien à l'eucaryote protiste, du protiste monocellulaire au métiste pluricellulaire, c'est-à-dire des protozoaires et protophytes aux métazoaires et métaphytes, de l'animal à conscience directe ou à conscience sociale (insectes) à l'homme à conscience réfléchie individuelle) ; aucun de ces franchissements catastrophiques n'a été induit par une meilleure adaptation, ni par une plus grande fécondité, ceux qui n'ont pas franchi le pas sont toujours les plus nombreux ; au contraire c'est la complexité qui fragilise.

Jetez de la ferraille dans un trou pendant 800 MA et vous finirez par avoir un Airbus (Lejeune). Ainsi de l'œil héritier d'une longue suite de mutations depuis l'ocelle des protistes, toutes apportant une amélioration. En somme peu de différence entre les deux thèses, le grand miracle unique ou le petit miracle à répétition. Les arguments de Dawkins sont impressionnants de faiblesse : si l'évolution a pu faire une chauve-souris, il ne lui était pas difficile d'y ajouter un sonar, ce qui permet  d'éviter de parler de la construction de la chauve-souris ; la  métaphore du singe dactylographe tapant par hasard la Bible parce que la sélection conserve les bonnes lettres et supprime les fausses. Comme si elle connaissait la cible ! Un créateur ne s'amuserait pas à peaufiner la queue du paon, Johnson répond  : encore moins un hasard froid, un créateur facétieux peut-être.

On résume classiquement la théorie de l'évolution par le binôme : hasard de variations minimes graduelles, nécessité de la sélection, en oubliant le troisième volet intermédiaire et nécessaire, l'accumulation de la variation orientée dans la bonne direction (Darwin). C'est une orthogenèse, une métaphysique de la variation dit même Gayon. Même Darwin a finit par admettre que la sélection n'était pas créatrice, comme il l'avait cru d'abord, elle intervient après coup sur les variations achevées, elle est négative et  éliminatrice. Tout le mérite de l'évolution progressive repose sur la seule variation, et donc la seule mutation.

Darwin versus Teihard de Chardin

Avec la mort du scientisme triomphant à la Monod, devrait aussi disparaître le réductionnisme en tant que dogme. Par contre, il peut et doit persister en tant que méthode biologique. Le réductionnisme méthodique a porté des fruits juteux : biologie moléculaire, génétique. Le réductionnisme dogmatique est une arme tactique au service d'une vision matérialiste du monde.

Le premier niveau d'organisation vivant est celui de la cellule, il n'y a pas de théorie holiste de la cellule - sinon celle de Doffin qui n'est connue qu'à Poitiers et qui d'ailleurs est mécaniste et fait de la cellule une cytomolécule géante ionisée ; il n'y a pas de théorie du vivant faisant l'objet d'un consensus (Bergson, Laborit, Lupasco, Pichot), ni de théorie de l'homme (Vendryès), les théories de l'esprit se ramènent à deux très embryonnaires : l'esprit n'existe pas, l'esprit existe, idem pour le sens et l'âme. Il n'y a que deux domaines faisant l'objet de théories biologiques générales, les  théories de l'évolution et la génétique moléculaire. Et même si l'on découvrait un parallélisme étroit entre les phénomènes neuroniques et psychiques, on ne pourrait que dire : ce parallélisme est vraiment étroit. Arriveraient-on à fabriquer une cellule que cela ne prouverait rien  :  on avait un modèle, nous.

Pourtant une revue de haute vulgarisation a fait l'objet d'un tir groupé de la part des scientistes parce qu'elle a osé partagé ses pages entre propos darwiniens et adarwiniens. Il semble que cette querelle soit la face pseudoscientifique du conflit métaphysique plus que bimillénaire entre déistes et athées (Chauvin), depuis Démocrite (Les atomes et le vide, le reste est convention) et Héraclite (Il y a des dieux partout, même dans la cuisine). En effet la science n'a rien à faire dans ce débat, elle parle du comment et laisse le pourquoi aux philosophes et aux théologiens. Mais le biologiste a droit d'avoir son avis philosophe. La biologie se doit d'ignorer l'explication par la transcendance trop facile quand on bute sur une difficulté épistémologique. De cette neutralité du scientifique qui met de côté ses croyances théistes, le scientiste a glissé à la morgue d'une science niant toute possibilité de transcendance. Et comme une théorie prétend avoir remplacé la Providence par Sa Divinité la Sélection naturelle (Darwin), il se raccroche à elle et en fait un dogme. 

Je prétends que : 1. la théorie de l'évolution par le hasard des mutations et la nécessité d'une sélection par le milieu est une théorie biologique comme une autre et qu'il est normal de chercher à la réfuter, ce serait même lui rendre service si l'on n'y parvient pas ; 2. en déduire qu'elle a tué Dieu, c'est extrapoler, en faire une théorie métabiologique ; 3. la science étudie des faits, mais un fait n'est rien sans son interprétation, une interprétation est une minithéorie obéissant aux mêmes lois d'incertitude ; 4. darwiniens et adarwiniens s'accordent sur les faits, divergent sur les interprétations, s'appuyant tous sur des présomptions qu'ils appellent des preuves.

La biologie est la seule science où, devant une structure quelconque, appareil, organe, organite, chaîne métabolique, on se demande : à quoi ça sert, quelle est sa fonction ? Mais le concept de finalité étant incompatible avec le dogme des variations aléatoires triées par la sélection, les darwiniens se contorsionnent pour éviter les pour, parlent de téléonomie ou finalité objective inintentionnelle et dansent la danse du scalp devant les organes inutiles, hypertéliques, résiduels, les fossiles vivants, le mimétisme et autres inventions de capteurs, outils, armes, cuirasses et défenses.

En biologie, le finalisme est la méthode heuristique de choix, utilisée par tous, tant par ceux qui disent que l'œil s'est fait au hasard de mutations (dans quatre taxons éloignés et pratiquement sur le même plan) que par ceux pour qui il n'est pas téméraire de dire que l'œil est fait pour voir (Guyénot).

Jusqu'à Laplace le monde était biblique, il a construit un monde newtonien en se passant de l'hypothèse Dieu. Le concept de finalité vient d'apparaître en physique avec le principe anthropique, les physiciens découvrent que les conditions initiales et la quinzaine de constantes universelles aux valeurs arbitraires sont intouchables à la 26e décimale près. Toucher à l'une et l'on a un univers trop court, sans étoiles, ou sans carbone, une univers abiogène. Parmi l'infinité d'univers la probabilité d'un univers biogène était quasi nulle. Les physiciens qui détestent le principe anthropique n'ont pu trouver pour le réfuter que l'hypothèse d'univers en nombre infini successifs ou multiples, nous serions dans le seul ayant tiré la bonne combinaison. Mais c'est répondre à une argumentation physique basée sur des mesures dans l'espace temps par un argument métaphysique, une infinité d'univers étant intestable.  En biologie c'est derrière chaque détail du métabolisme et des fonctions que se loge la finalité. 

Évidemment traiter la réfutation par l'indignation, l'interdit et l'exclusion est plus facile que de contre-argumenter. Une autre tactique darwinienne bizarre est : Taisez-vous, revenez quand vous aurez une solution de rechange. Outre qu'il y en a, cela revient à demander au suspect de découvrir l'assassin pour étayer son alibi (Johnson). Parce qu'on n'a pas de voiture de rechange, laisserait-on partir une auto sans frein ? Les spiritualistes seraient des débiles crédules rétros ; que dire de ceux qui nient des évidences comme l'échelle des êtres, la finalité des organes génitaux, de la topoïsomérase, enzyme qui coupe la double hélice au bon moment, du placenta (organe hybride construit par deux individus, la mère et l'enfant, et par deux génomes collaborants) ; de ceux qui gomment le sens, la conscience, mythe creux (Dennett), la liberté et donc la responsabilité et la dignité humaine.

Mais qui ne vivent pas en accord avec leurs principes, distribuant, comme les autres, médailles et coups de pieds au cul à des robots irresponsables. Je sais, je sais, moi non plus je n'ai pas de preuve, mais je ne suis pas, comme eux, écartelé entre sentiments et croyances. Le rationaliste croit rester scientifique en faisant l'économie laplacienne d'une hypothèse supplémentaire, mais il s'agit d'une hypothèse métaphysique et la combattre est encore de la métaphysique. Les théories créationnistes et matérialistes sont compatibles avec les données de la biologie car créationnisme n'est pas synonyme de fixisme, comme on feint de le croire. De toutes façons, la science repose sur des axiomes irréfutables donc ascientifiques : l'univers est cohérent, il est écrit en langage mathématique, le cerveau humain est apte à le comprendre, etc. Alors, un de plus, un de moins... Un argument antidarwinien des plus forts est dû à Piaget qui se demande comment peuvent-ils faire confiance à un cerveau de singe, amélioré par hasard et sélectionné en raison de son aptitude à la lutte et à la fuite et non pour des joutes intellectuelles abstraites ? Il s’étonne aussi que l’intelligence logicomathématique attribuable à l’homme seul soit retrouvée dans l’instinct des insectes et des oiseaux. 

Les théories adarwiniennes de l'évolution

Je prendrais pour exemple les textes a ou antidarwiniens récents sans remonter à Grassé leur chef de file, grand démolisseur du darwinisme mais qui n'a pas proposé de théorie de remplacement.

Paul Wintrebert a bâti une théorie immunitaire de l'évolution : l'adaptation, réaction à une agression physique, est à l'espèce ce que l'immunisation, réaction à une agression biologique, est à l'individu. L'immunisation est une adaptation individuelle transitoire ; l'adaptation est une immunisation collective définitive. Le gène est le résultat d'un conflit de type antigène anticorps. L'œuf, ex protiste, a un noyau d'espèce et un cytoplasme d'embranchement. Il parcourt dans l'ontogenèse les mutations phylogénétiques dans leur ordre d'apparition, chacune déclenchée par le cytoplasme précédent et induisant le suivant. Les mutations darwiniennes physiques ne sont pas adaptatives mais régressives, létales ou simples agents du polymorphisme des espèces. L'évolution, elle, est l'œuvre de l'intelligence chimique inconsciente des protéines.

Jean Piaget, entre lamarckisme (le milieu instruit le vivant qui réagit aux contraintes du milieu) et darwinisme (le milieu choisit entre des formes mutant au hasard qu'il favorise ou élimine, mais qu'il ne crée pas), choisit une voie intermédiaire n'accordant la primauté ni au vivant ni au milieu : l'interactionnisme continu, constructiviste entre vivant et milieu.

Une sélection interne fait un premier tri ; les corrélations, obligatoires entre génome et organisme, variations internes et variations externes, organisme et comportement, comportement et milieu, excluent le hasard. Le mécanisme du progrès y est semialéatoire, le vivant est un phénotype comportemental face aux questions du milieu, si ce dernier est compatible avec l'état de l'organisme à tous ses niveaux d'organisation, il ne se passe rien, le phénotype se répète à chaque génération ; s'il rencontre un déséquilibre, celui se transmet en amont de niveau d'organisation en niveau d'organisation chacun étant susceptible d'amortir le déséquilibre et, s'il le faut en dernier recours, au génome où le déséquilibre canalise les mutations dans la voie du rééquilibrage ; le phénotype efficace est alors pris en charge par les gènes et reproduit héréditairement, c'est la phénocopie de Piaget ou génocopie de Lorenz.

C'est un mécanisme soustendant l'hérédité de l'acquis que Piaget a expérimenté en transportant des plantes du Léman en altitude, redescendues après multiples générations elles auraient conservé certains des néocaractères acquis en montagne.

Georges Torris est un métabiologiste, sa thèse est, mutatis mutandis, celle des astrophysiciens du principe anthropique frappés par la précision arbitraire et irraisonnable de la quinzaine de constantes universelles sans laquelle l'univers n'aurait accouché ni d'étoiles, ni de planètes ni d'atomes, ni de vivants. Ce qui frappe Torris c'est l'inventivité du vivant, la sophistication de ses armes, offensives ou défensives, de ses outils, ses capteurs sensoriels, ses comportements tactiques et stratégiques complexes, sexuels, prédateurs, parasites, comportements de coopération interespèces et même interrègnes, les coaptations, le mimétisme gratuit, etc.

Il voit dans l'évolution une intelligence en action, un théâtre où des intelligences spécifiques se combattent ou s'épaulent, en coulisses, dans l'indifférence à la souffrance des individus sur la scène. Il postule l'existence d'entités intermédiaires, très douées mais non toutes puissantes, d'où les erreurs et le recours au bricolage. Ces génies pilotent chacun une espèce et lui injectent organes outils, comportements de lutte et de fuite selon la méthode par essais et erreurs, classique de l'intelligence. Avec l'homme ils sont passés au pilotage individuel d'ou le passage de la conscience d'espèce à la conscience individuelle. Ces petits génies c'est nous, dit-il, qui continuons ce grand jeu cruel.

Régine Chandebois propose une théorie cybernétique de l'évolution issue de l'embryologie, à partir de la migration et de la compétence cellulaire, avec des gradients de différenciation par positionnement des cellules migrant entre cellules déjà différenciées.

Anne Dambricourt voit dans l'évolution du crâne un axe privilégié maintenu depuis 50 millions d'années, ce qui révèle quelque part un attracteur harmonique qu'elle préfère à un hasard têtu.

Pour ma part, m'en prenant au seul darwinisme protéiforme de Darwin, sauvé par ses slogans, la tactique des morceaux choisis et les retombées métaphysiques, j'ai choisi d'éplucher ses textes et les laisser se contredire.

Michel Troublé affirme selon la logique booléenne que les entités du monde macroscopique seraient dans le même état de superposition que celles du monde quantique, si un facteur hors espace temps ne faisait des choix aléatoires (physique) ou thématiques (vivant) supprimant la confusion.

Un juriste américain, PE Johnson, dont le métier, dit-il, est de peser les arguments, a refait le procès du darwinisme et a été invité depuis dans des congrès sur l'évolution, ce qui serait impensable en France. La sélection n'explique pas l'innovation qui est antérieure à elle, elle ne crée rien, elle fauche les inaptes. Des fossiles vivants mutent sans évoluer ; les chaînons intermédiaires n'existent pas. Le modèle darwinien est la sélection domestique finaliste qui montre au contraire les limites d'extension du génome. Dire que seul est scientifique le matérialisme athée c'est dire que les rationalistes savent tout sur tout. Le phalène du bouleau est présenté comme un exemple d'évolution alors qu'il s'agit d'un déséquilibre temporaire entre deux variétés physiologiques, effet de la pollution.

Rémy Chauvin est universitaire, ses arguments sont biologiques : la fameuse fitness est un concept flou traduit selon le contexte par taux d'extension des gènes dans les générations suivantes, valeur sélective, sélection différentielle, atouts de survie, le tout n'est pas mesurable ; l'adaptabilité elle-même est ambiguë, la fourmi la plus fouisseuse n'a pas de pattes fouisseuses. Personne n'étudie l'évolution en action, le gobie marcheur Periophtalmus papilio, nous rejoue la sortie des eaux au Sénégal. Tautologie et adaptationnisme sont du finalisme, le crabe violoniste a une pince pesant la moitié du poids du corps et qui ne sert qu'à la parade. Il y a des papillons qui imitent des papillons mangeables ! La plume a été inventé longtemps avant l'aile, les insectes ont précédé les plantes à fleurs. En présence de lactose, le colibacille sans lactase mute jusqu'à en fabriquer.  

Dans son second livre Michael Denton n'avance plus masqué, il annonce qu'il tente d'étayer la théorie du dessein qu'il dit compatible avec les données de la science. C'est de la biologie au service de la métabiologie. L'apparition de la vie dépendrait : d'une longue série d'ajustements simultanés et précis des constituants de la cellule : adéquation du carbone, de la lumière, de l'oxygène, des oxydations, du CO2, du CO3HNa, de la bicouche lipidique, et d'une série de coïncidences et de propriétés convergentes de l'eau : point de congélation,  chaleur latente de fusion, capacité calorifique, conductance protonique, pouvoir solvant, réactivité chimique, conductivité thermique ; le tout assurant l'altération des roches, le maintien de l'état liquide et la régulation du climat, l'eau seul liquide adapté à la vie du carbone. C'est le prolongement  biophysique du principe anthropique des physiciens.

Métabiologie de l’aléatoire versus métabiologie de la transcendance

Les biologistes se mettent à rejeter l'esprit au moment où les physiciens le voient à l'œuvre dans la genèse de l'univers (Davies). Aucune des théories cosmologiques n'est incompatible avec un créateur (Démarret) La biologie de Denton prolonge l'univers des physiciens programmé pour accueillir la vie : les forces électromagnétique, nucléaires forte et faible, répondent des atomes biogènes et de leur assemblage en molécules géantes de la vie. Lovelock  a exploré ce domaine et montré que la Terre possédait un système de contrôle maintenant les conditions vitales. Malheureusement des considérations économiques ont conduit son éditeur a remplacé Terre vitale par Terre vivante et fait de l’hypothèse physique Gaïa une hypothèse métaphysique.

Comment faire de la théorie synthétique une théorie complète alors qu'elle ne sait quoi répondre à ces questions : quid de la première cellule ? quid des plans d'organisation des vingt embranchements simultanément éclos ? de l'instinct et en particulier de sa composante logicomathématique présente aux deux extrémités de ,l’évolution, dans l’instinct des insectes, des oiseaux, dans la conscience réfléchie humaine ? de la coévolution ? des coaptations ? du mimétisme poussé à des détails irraisonnables et gratuits, microscopiques et invisibles, l'homme étant probablement le seul à les apprécier ? quid des trois goulots d'étranglement de l'évolution ? Le darwinisme est tautologie, la preuve : Qui défendrait la thèse inverse : que le moins adapté serait le plus apte à survivre ? (Vienna de Lima)

Je plaide pour une métabiologie accordant le même degré de scientificité ou d'ascientificité au refus ou au recours à la transcendance dans l'explication des phénomènes vitaux fondamentaux. La formidable poussée dans la connaissance du comment n'a pas fait avancer celle du pourquoi. Matérialistes et spiritualistes sont frères en recherche des choses qui sont derrière les choses (Prévert). Qu'ils s'affrontent sur des interprétations mais sans invectives ni interdits et à fleurets mouchetés. Pourquoi serions-nous ennemis ? Nos buts et moyens sont communs, nos conclusions diffèrent, et alors ? Il est probable que s'il y a une réponse elle n'est pas dans l'espace temps. Le conflit ne prendra jamais fin, autant déposer les armes tout de suite. On peut s'affronter sans se mépriser ni s'insulter. Les uns préfèrent s'agenouiller devant l'inconnu, d'autres rester debout, cela ne vaut pas que l'on bataille dit Jean Rostand. Matérialistes et spiritualistes sont ennemis à cause de pouvoir pulsionnel de l'hypothalamus qui ne supporte pas la contradiction. L'adversaire, s'il en est à convaincre plutôt qu'à combattre, se nomme l'homme d'argent, le consommateur, le joueur, le sectaire, l'inutile, l'atroce joueur de bridge de Saint-Exupéry, l'amateur de palaces et de casinos. Le sujet est passionnant, il reste à savoir si tout en continuant d'accroître le Connaissable, l'homme peut espérer deviner un peu du Réel.

 

                                                           Jacques Costagliola

 

 

Chandebois R. Pour en finir avec le darwinisme, une nouvelle logique du vivant, Espace 34, 1993

Chauvin R. Le darwinisme ou la fin d'un mythe, Le Rocher, 1997

Costagliola J. Faut-il brûler Darwin ou l'imposture darwinienne, L'Harmattan, 1995

Dambricourt A; La légende maudite du vingtième siècle, l'erreur darwinienne, La Nuée Bleue, 2000

Denton M. L'évolution a-t-elle un sens ? Fayard, 1997

Johnson PE. Le darwinisme en question, science ou métaphysique ? Pierre d'Angle, 1996

Lefeuvre M & Troublé M. Une critique du matérialisme, l'origine du vivant, L'Harmattan, à paraître

Piaget J. Le comportement, moteur de l'évolution, Gallimard, 1976

Torris G. Penser l'évolution, Edit. univ. 1990

Wintrebert P. Le vivant créateur de son évolution, Masson, 1962

 

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C
<br /> Blog(fermaton.over-blog.com),No-22. - THÉORÈME OMÉGA.- La Science des Sciences.<br />
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(
<br /> Mon Blog(fermaton.over-blog.com), No-7, THÉORÈME ASCENDANT. - EST-CE QUE LE DARWINISME EST COMPLET ?<br />
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S
<br /> L'univers est, soit créé, avec toutes ses lois qui l'ont amené à notre connaissance d'aujourd'hui, soit "non créé", et notre connaissance résulte de notre recherche. La réponse de chacun ne peut<br /> qu'être tranchée. Pas nouss-nouss, ptêt'ben qu'oui, ptêt'ben qu'non.<br /> Entre les deux formules proposées par Conte-Sponville: "je ne crois pas que Dieu existe" et "Je crois que Dieu n'existe pas", je préfère la seconde. <br /> <br /> <br />
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C
<br /> <br /> Aucune de ces deux formules n'est agnostique. Elles suggèrent toutes deux une dominance du concept de l'inexistence de Dieu. Ça fait mal au ventre de dire je ne sais pas. Je fais la même<br /> chose."Les uns préfèrent s'agenouiller devant l'inconnu, les autres rester debout. Cela ne vaut pas que l'on bataille." Jean Rostand<br /> C'est l'absence de contre-arguments de ses adversaires qui conforte une thèse, pas les mots de ses partisans.<br /> Amitiés<br /> <br /> <br /> <br />
S
<br /> Tu as raison quand tu dis qu'il n'y a que des croyants, les positifs et les négatifs. Et, même, les croyants des deux sortes ne le sont que dans des proportions fluctuantes. Chez les négatifs, la<br /> place du "je crois que"/"je ne crois pas que" tend à se réduire ou à être critiquée. Ce n'est souvent qu'une confiance dans la procédure employée pour aboutir à une conclusion vraisemblable.<br /> Exemple, la méthode scientifique, dont les résultats peuvent être annulés par des faits nouveaux, qu'il faut être toujours prêt à accueillir. C'est le point faible de l'homme.<br /> La place de l'acte hypothétique de la création dans l'appréhension du monde est, pour les négatifs, derrière un horizon qui recule toujours. Au point que pour certains, dont je suis, autant ne pas<br /> l'imaginer du tout. C'est le réel inconnu qui est au delà de l'horizon et non la levée du mystère originaire. C'est pourquoi l'interprétation fournie par le darwinisme et ses ajouts et corrections<br /> est "confortable". Elle est valable pour toute la biosphère.<br /> Je ne peux plus me mettre dans la peau des "positifs", ceux qui croient en un acte de création dont les modalités s'obscurcissent avec l'éloignement dans le passé de cet acte supposé. Mais, d'une<br /> part, je prends acte que cette position a été celle de toute l'humanité dès qu'elle s'est mise à réfléchir, ce qui n'est cependant pas une preuve, d'autre part, j'admets que pour eux, tout<br /> déterminisme purement matérialiste et aléatoire, en un point quelconque du processus de l'évolution, est insupportable.<br /> L'existence ou l'inexistence de "Dieu" ne se démontrent pas, c'est évident, et le choix est arbitraire. Mais il structure toute notre logique, normalement dans tous les champs de la pensée. Et on<br /> en revient à "croire": en fonction de ces conditions de départ(que nous conservons le droit de révoquer et de modifier), nos croyances sont déterminées. Si certaines sont en contradiction, elles<br /> rompent la cohérence. <br /> <br /> <br />
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C
<br /> Les présomptions des créationnistes sont externes, les présomptions des matérialistes sont internes. Jusqu'à la Renaissance on n'avait pas le droit d'être matérialiste. Depuis Darwin l'aiguille a<br /> viré à l'autre extrême. Je voudrais la replacer au milieu; Si Troublé a raison, on'aura plus à choisir. Jean Guitton le déplorerait. Amitiés<br /> <br /> <br />